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Trente-mille-quatre-cent-vingt-trois. C’est le nombre de patients inclus dans le dernier article déposé en preprint, puis rétracté, puis republié récemment dans New Microbes and New Infections, une revue au mains de l’IHU. Un article dont Didier Raoult est le dernier auteur. Cet article qui prouverai définitivement qu’à l’IHU des vies ont été sauvées, que l’élixir du professeur Raoult, à savoir la bithérapie Hydroxychloroquine + azithromycine, permet de réduire la létalité du Covid et que, par conséquent, tous les opposants à ce traitement sont des criminels en puissance.

Trente-mille-quatre-cent-vingt-trois. C’est aussi le nombre de lignes du tableau de données fourni avec l’article. Trente-mille-quatre-cent-vingt-trois lignes certifiées par huissier, qui seraient donc la preuve irréfutable que l’humanité s’est privée d’un traitement efficace et peu coûteux parce qu’ à Marseille, ça marche.

A Marseille, ça marche. En dépit du consensus scientifique établi dès l’été 2020 et consolidé depuis jusqu’au coup de grâce asséné par Ioannidis, pourtant porté aux nues par Didier Raoult, dans une méta-analyse publiée en Avril 2021 dans la revue Nature : l’hydroxychloroquine est au mieux inefficace, au pire délétère, en ce qui concerne la létalité associée au Covid. Soit ça ne fait rien, soit cela provoque une surmortalité. 

Mais à Marseille, ça marche. Pourquoi ? Il y a raisonnablement 3 hypothèses envisageables.

  • La première est coûteuse : Didier Raoult aurait raison contre le consensus (qui pourtant ne s’est pas laissé faire) scientifique mondial, impliquant que 1) ou bien tous les autres experts sont nuls 2) ou bien il y a un complot de Big Pharma (“mais qui ça, ils ?”) contre lui.
  • La deuxième hypothèse est davantage plausible : un facteur non identifié existerait à Marseille, qui ferait que, là bas, ça marche. On ne sait pas pourquoi, le régime méditerranéen peut-être, l’imposition des mains, le soleil. En tout cas: ça marche.
  • La troisième hypothèse est que les données publiées avec l’article ne permettent pas de conclure à l’efficacité du traitement phocéen, et qu’elles ont été maltraitées, contraintes de répéter la vérité du maître. C’est cette hypothèse que nous allons examiner. Pas de gaieté de cœur, mais parce que Didier Raoult lui-même nous y incite. Et ce que Didier veut, Didier l’obtient, m’a t-on dit.

Nous allons voir si ces trente-mille-quatre-cent-vingt-trois lignes permettent

  1. d’évaluer l’effet de l’hydroxychloroquine combinée à l’azithromycine sur la létalité du Covid et
  2. de démontrer un bénéfice du traitement.

Et chers lecteurs, les données sont loin d’être facilement exploitables. Voyez-vous, à l’IHU, on prescrit HCQ + AZ à tout patient qui ne présente pas de contrindication pour ce traitement. C’est-à-dire qui ne présente pas certaines pathologies cardiaques ou certains facteurs de risques associés. Donc ceux à qui on ne prescrit pas ce traitement miracle sont statistiquement en moins bonne santé que les autres, et ont davantage de chances de mourir.  Donc, ce qu’on doit faire, c’est prendre en compte ces différences entre les groupes. Secret de statisticien : ce qu’on cherche à faire, c’est savoir quelle part de la différence de létalité entre le groupe HCQ + AZ et les autres groupes est due au traitement ou à d’autres facteurs. On doit donc faire un ajustement. A l’IHU, ils ont choisi d’ajuster par sexe, âge, période (vague épidémique), et patient management (si le patient est arrivé en consultation directement à l’IHU ou s’il arrivait d’ailleurs). Et quand on ajuste comme ça, effectivement, le traitement fonctionne “statistiquement”. Mais c’est dommage. C’est dommage parce qu’on a 10 autres colonnes qu’on pourrait utiliser : 9 colonnes qui donnent des informations sur les comorbidités et une colonne sur le statut vaccinal. 10 colonnes multipliées par 30 423 lignes, ça fait quand même 304 230 données dont on aurait tort de se priver. 

Si on fait ça, si on essaie de séparer quelle part de la différence de létalité est attribuable réellement au traitement ou aux comorbidités ou au statut vaccinal, ou à l’âge, on s’aperçoit qu’on ne peut conclure en faveur de l’efficacité du traitement. A ça, on m’oppose souvent que je ne suis pas médecin, et que les chiffres on leur fait dire ce qu’on veut. Effectivement. Ne pas ajuster avec les comorbidités, cela veut dire qu’on fait l’hypothèse que ces comorbidités n’ont aucun impact sur la létalité du Covid. Je veux bien l’entendre, mais pas de la part de ceux, médecins ou pas, qui ont clamé pendant 3 ans que le Covid ne tuait que les personnes âgées fragiles. Ces patients fragiles, âgés, polymorbides, ne peuvent pas être ignorés au prétexte qu’ils invalident la thèse initiale de l’IHU. Ce n’est pas de la Science. Et ce n’est pas de la médecine.

Vous pouvez choisir, des trois hypothèses initiales, laquelle vous préférez. En tout cas, en ce qui me concerne, j’ai la très nette certitude que les données certifiées par huissier, ir-ré-fu-ta-bles, ne permettent pas de conclure que Didier Raoult avait raison. De là à dire qu’il a tort…

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